French Interview

By Stéphane Deschamps. Originally appeared in Unknown.

“La photo de pochette de Starlite walker a été prise à Oxford, Mississippi, le pays de Faulkner C’est un endroit où j’ai passé beaucoup d’étés.” Le pays est gorgé d’eau, d’humus, de parfums d’automne, On croirait une image sur papier sépia. Mais non, c’est la vraie couleur du paysage chaud et rouillé. Comme le premier album des Silver Jews, étonnant disque qui semble sorti de terre après une grosse averse d’été. Starlite walker ressemble à un petit jardin abandonné sous une tonnelle vermoulue. Un désordre harmonieux et naturel. Un lieu insoupçonné et silencieusement anarchique. Au plafond, une araignée. Le propriétaire s’appelle David Berman, 27 ans, juif, Sudiste, ancien croque-mort, serveur dans un restaurant, gardien de musée, auteur de nouvelles, cuisinier, voyageur, palefrenier pour joueurs de polo puis professeur dans un atelier d’écriture. Et aujourd’hui jardinier des Silver Jews, avec Steve et Bob de Pavement, “Ils ont toujours fait partie des Silver Jews. Le groupe a vraiment commencé quand nous avons déménagé de Virginie a New York. Un ami nous avait donné le numéro de téléphone de Sonic Youth. On a appelé et joué une chanson sur leur répondeur. On a fait ça sur pas mal de répondeurs, avant de commencer à enregistrer sans téléphone. ” Un pied dans la Drag City connection, le label qui rafle aujourd’hui la mise aux Etats-Unis, “Les Palace Brothers ont connu Drag City par le single des Silver Jews et les Silver Jews ont connu Drag City par Pavement.,” Pavement, Palace Brothers, Silver Jews, Pale Horse Riders, Silver Palace (projet entre David Berman et Will Oldham) - tous les mêmes, des musiciens qui ont usé les mêmes bancs d’école, grandi ensemble, respiré le même air sudiste, sont partis, puis revenus, ont siffloté les mêmes ritournelles inouïes, “Si ma musique ressemble parfois à Pavement, c’est parce que ce sont mes amis, on s’est influencés réciproquement. J’écris toutes les chansons, mais Steve apporte un style parce qu’il est bien meilleur musicien que moi, il m’aide à habiller les chansons dont j’écris les paroles. Ce songwriting partagé vient du fait qu’on essaie d’exprimer des choses par la mélodie et pas seulement par des paroles sensées. Ça vient aussi de nos personnalités, passionnées à l’intérieur, plus dures à l’extérieur. ” La musique est aussi indolente et douce à l’oreille que l’énoncé des états qui l’ont vue naître - Mississippi, Virginie, Géorgie. Décadente et lascive, mais jamais typique. Aussi nomade que ceux qui l’ont faite. “Pendant des années, je n’ai pas eu de domicile fixe. J’ai voyagé aux Etats - Unis, en Pologne, en Afrique, en France. Je suis venu trois fois en France, j’aime la tombe de Napoléon, les jardins du Luxembourg et les belles femmes. Elles me rendent fou car je les suis dans la rue, elles n’ont pas peur. Alors je les aime encore plus. ” Inclassable, la musique : un The Fall avec de la steel-guitar, Television sur K records. Combien de groupes nous ont donné l’impression de se foutre royalement des usages, des manières du rock et de l’industrie ? Beaucoup. Mais combien ont dépassé le stade de l’intention ? “Le côté étrange de ma musique vient du fait que j’essaie de remplir des blancs, d’aller vers des espaces vierges. L’observation et l’instinct m’aident à découvrir de nouveaux espaces dans la musique. Le Mississippi est préservé parce que cet état a été ignoré pendant des années par le reste du pays. C’est un endroit où on peut encore ressentir des choses authentiques. Au pays comme derrière les instruments : une affaire de copains, aristocrates déchus qui font de grandes choses avec des petits moyens. Un disque qui n’évoque pas l’attitude rock ou la musique enregistrée, mais d’abord des tranches de vie sous la moustiquaire.